Cet instant très précis où l’on réalise que l’on est en burnout, que l’on n’est plus capable d’aller au travail, de s’occuper de ses enfants, d’accompagner ses patients… ou même de parler a son compagnon ou sa compagne. Comment faire pour dépasser cette culpabilité et retrouver confiance en soi ? Je vous donne 3 conseils pour accompagner se sentiment d’impuissance présent lors de cet effondrement.

Accueil » 🎙️#5 – 3 conseils pour gérer la culpabilité d’un burnout

Texte de l’épisode


Aujourd’hui, j’avais envie de briser un tabou et d’aborder avec vous la notion de culpabilité qu’il peut y avoir par rapport au burnout.
En particulier cette étape très spécifique, lorsque l’on réalise que l’on est en plein burnout, mais qu’on ne sait pas forcément comment faire pour l’arrêter, ou lorsque l’on est dans le déni.

Du déni au constat dramatique

Ca n’arrive pas qu’aux autres

On se dit : « Non, mais ça n’est pas possible. Ca n’est pas à moi que ça arrive. Moi, je tiens la route. J’ai de l’énergie, je suis structuré dans ma tête. Je suis quelqu’un de fort. Toute ma vie, j’ai toujours géré pour moi, pour les autres. Je peux pas être en train de m’effondrer. Ca n’est pas possible. »

C’est cet instant très particulier où l’on réalise que oui, cela nous arrive. On est bien en train de s’effondrer.
Et c’est le moment où on prend conscience de l’ampleur de la catastrophe pour nous, dans notre univers.
A ce moment-là, il y a une énorme culpabilité qui arrive et qui est désormais : « Mais comment est-ce que j’ai pu en arriver là? Comment est-ce que cela a pu m’arriver? Alors, comment est-ce que j’ai fait pour ne pas le voir, pour refuser de le voir? Pourquoi je me suis laissée en arriver là ? »

C’est un sentiment que j’ai moi-même ressenti. Et je pense que que beaucoup d’entre nous le ressentent lorsqu’il n’est plus possible de se voiler la face.
On est obligé de constater que, de toute manières, le burnout est là et qu’il est impossible de faire machine arrière. Il n’y a alors qu’une seule solution : c’est d’accepter de se reposer, de tout lâcher peut-être. Accepter que, en tout cas à cette étape là, on n’a pas été à la hauteur. Accepter que c’est peut-être un échec.

Cette vision de l’échec peut-être perçue de plein de manières différentes :
On peut avoir la sensation d’abandonner les autres, ou de s’abandonner soi-même. On peut avoir le sentiment que l’on n’arrivera jamais à faire ce qu’on avait prévu de faire, que l’on n’arrivera jamais à donner ou à être ce qu’on a voulu être.

Pardon d’être une « serpillère »

A ce moment-là on a une image de soi qui est très brisée, qui est très dévalorisée, et c’est une étape difficile.

Dans mon cas, c’est une étape qui m’a mise dans un très grand désarroi puisque j’ai constaté la misère émotionnelle, intellectuelle, et physique dans laquelle j’étais.
J’avais l’image d’un gros tas de serpillière en train de pourrir dans un coin. Un truc pas très sexy.
Je me suis dit: « ok, là tu en es au stade serpillère.
Qu’est ce que tu fais maintenant?
Comment tu sors de là?
« 

J’ai eu envie de pleurer, de hurler, de demander pardon.
Demander pardon aux autres, aux personnes qui ont peut-être été blessées.
Dans le cadre d’un burnout professionnel, on peut avoir envie de demander pardon à son équipe, à son patron, à ses collègues, des personnes qui, en fait, sont souvent plus que de simples collègues : ce sont des amis, des partenaires avec lesquels on a travaillé.

Dans le cadre d’un burn familial, on pourrait avoir envie de demander pardon à son conjoint, à sa conjointe, demander pardon à ses enfants de ne pas avoir l’énergie pour pouvoir être là, pour pouvoir les aider, les faire avancer.
Et vraiment, c’est difficile.

On peut avoir envie de demander pardon à la Vie.

Moi, j’ai même eu envie de demander pardon à Dieu, alors que je ne suis pas particulièrement pratiquante.
J’ai eu envie de demander pardon à la terre entière. Et après avoir eu envie de demander pardon à tout le monde, j’ai réalisé que la seule personne à qui j’avais envie de demander pardon, c’était moi-même.

Et je me suis dit: « ok, mais … comment je me pardonne ? »

Voilà : « Comment je me pardonne ? »
Cette question m’a travaillée longtemps et j’avais envie, avec cet épisode là de briser un tabou et de vous donner les solutions que j’ai trouvé.

Se pardonner comme à un ami

La première chose que j’ai faite quand j’ai constaté la piètre estime que j’avais de moi-même, ça a été de me dire :

« Si tu as quelqu’un qui est dans cet état en face de toi :
Que fais-tu pour lui ? Qu’est ce que tu lui dis? Comment tu te comportes? « 
.
Ma réponse, c’est que je me comporte avec douceur, avec patience. Pour moi, le plus important n’est pas la vitesse à laquelle la personne progresse. C’est simplement qu’elle progresse, qu’elle puisse aller mieux, petit à petit, un jour après l’autre.

Je me suis parlé à moi-même. Et je me suis dit ce que spontanément, j’aurais dit à d’autres dans ces moments-là.
« Ne t’inquiète pas, ça va aller.
Je te fais confiance, tu peux apprendre. On va prendre le temps, c’est ok.
T’as été blessé, mais on peut faire mieux. Et on va le faire ensemble.
Oui, il y a plein de choses qui ne vont pas, mais tu es en train de faire quelque chose à propos de ça.
Même si c’est que une toute petite chose.
Et tu vas progresser, tu vas avancer, et c’est ok. »

A chaque fois que je me sentais mal, que j’avais cette culpabilité qui montait, je m’apportais le réconfort que j’aurai donné à d’autres.

Donc le premier gros conseil que je vous donne, avant d’aller chercher des concepts de développement perso, etc. c’est de réfléchir à la question suivante :

Quel conseil vous donneriez à une personne qui fait face à la même situation?

Et lorsque vous avez la réponse, comportez-vous avec vous-même comme vous vous comporteriez avec les autres.

Faire quelque chose, même une toute petite chose

Mon deuxième conseil, c’est vraiment de faire quelque chose.
C’est un conseil que je donne très souvent dans des situations de stress, d’angoisse, quand on a l’impression d’être complètement verrouillé face à quelque chose qui nous terrorise, qui est plus grand que nous, ou contre lequel on ne peut rien faire.

Se dire que l’on ne peut rien faire et qu’on va juste subir, c’est une idée qui est totalement effrayante.
Du coup, trouver une (ou plusieurs) choses à faire, même une toute petite chose, va avoir une énorme conséquence.

Cela amorce un mouvement de bienveillance par rapport à soi-même. Cela apporte un petit espace dans lequel vous commencez à planter une graine, qui est la douceur envers soi-même et l’estime de soi.
Vous allez reconstruire cette estime de vous-même en agissant. Cela prend du temps, mais c’est en faisant plein de petites choses, les unes après les autres, que vous allez apprendre de nouvelles manières de faire.

Dans mon cas, la création d’un espace de repos

Lorsque j’ai fait mon burnout, j’ai quitté l’appartement dans lequel je vivais en couple pour prendre un appartement où j’étais toute seule. Dans ce nouvel espace, je me sentais un peu perdue et très effrayée.
Et la première chose que j’ai faite, ça a été d’aménager un petit coin de sécurité et de douillet.
Ce petit coin, il faisait 4 m².
Il contenait deux coussins, un plaid. Pour la douceur.
Il y avait des plantes, parce que c’était super important pour moi.
Il y avait de quoi écouter de la musique et il y avait de quoi boire du lait chaud avec du miel dedans, parce que c’est la boisson que me préparait ma grand-mère quand j’étais petite : une boisson régressive qui me soutient beaucoup émotionnellement.

Donc, je me suis fait un coin minuscule où j’ai mis toutes ces choses qui me soutenaient moralement. Uniquement des choses qui me faisaient du bien d’un point de vue sensoriel, et d’un point de vue émotionnel. Tout pour me ramener à des souvenirs de tendresse et d’amour.

Quand on a subi des problématiques de harcèlement, d’agression (- Retrouvez par exemple les épisodes suivant : Comment notre posture peut nous préserver d’un conflit, Comment apaiser l’hypervigilance -) se sentir en sécurité, c’est quelque chose qui est fondamental.
Dans le cas d’un burnout, on peut avoir la sensation – sans forcément avoir été sur des problématiques d’agression- mais on peut avoir la sensation de n’avoir aucun espace à soi, aucun lieu de repos.

Renouer avec l’extérieur et élargir sa zone de confort

Pouvoir bénéficier d’un espace physique où vous pouvez être seul si vous en avez envie est très important pour vous sentir en sécurité.
Une fois que vous avez ce démarrage, vous pouvez petit à petit agrandir cet espace et retrouver des zones de confort.
Vous pourrez renouer contact, peut-être, avec votre compagnon ou votre compagne et, à partir du moment, vous serez de nouveau à l’aise dans votre relation, vous pourrez réintégrer des enfants, des amis, des collègues…
Chacun le fait en fonction de ses priorités, en fonction de ses zones de confort.

Le but, c’est de ne réintégrer que les choses avec lesquelles on se sent à l’aise. A partir de là, vous pourrez reconstruire votre confiance en vous avec ce qui nous fait sentir mieux. Cela permettra d’avoir l’espace nécessaire pour apprendre et être un petit peu plus fier de soi, un petit peu plus en sécurité, un petit peu plus fort là où on n’a pas été, un petit peu en meilleure santé…

Mon deuxième conseil est vraiment un très gros conseil, c’est :

Faites quelque chose même si ça n’est pas parfait. C’est démarrer qui est important.

Demander du feedback

Si vous vous en sentez le courage, je vous conseille d’aller demander du feedback aux personnes en qui vous avez confiance. Elles vous connaissent et peuvent avoir un point de vue extérieur par rapport à votre situation.

Choisissez des personnes de confiance, avec qui vous savez pouvoir échanger. Cela peut être un proche, un praticien du corps médical (médecin, médecin du travail, psychologue). Dans certains cas également, cela peut-être le RH de votre entreprise.

Mieux percevoir les dérives

Dans une situation de burnout, on a un référentiel qui est complètement faussé par rapport à notre environnement extérieur.
Le stress fait que nos perceptions sont différentes, nos interprétations sont différentes et notre référentiel est biaisé. Une situation déséquilibrée peut alors être considérée comme normale.

Par exemple, dans le cadre d’un harcèlement mis en place progressivement, il peut être difficile d’identifier la limite de ce qui est acceptable ou non. La dérive est normalisée, banalisée.
Pourtant, si vous sortez les événements du cadre de votre vécu et que vous les présentez objectivement à quelqu’un d’autre, la dérive peut apparaitre de manière choquante.
En échangeant avec une personne de confiance, vous pouvez vous rendre compte par exemple que votre situation n’est pas normale en termes de volume de travail, de volume de charge; en termes de dépassement d’horaires …

Mieux identifier ses forces

Le feedback permet aussi de pouvoir retrouver confiance en ses capacités, même si on a une très forte auto-dépréciation. Lorsque l’on atteint un stade où les gestes les plus basiques deviennent profondément complexes (sortir de sa voiture, préparer un thé, envoyer un mail, sortir un paquet de biscuits pour ses enfants…), la perception de ses propres capacités est complètement faussée. Une personne bienveillante qui nous rappelle ce dont nous sommes capable peut être un grand atout.

Comment parler de sa situation de manière constructive ?

Pour communiquer de manière apaisée il n’est pas nécessaire d’accuser qui que ce soit.
Si vous souhaitez rester crédible dans vos explications, je vous conseille de parler de votre ressenti et de votre perception par rapport à une situation.

Dites par exemple :

« Il y a des choses qui me sont demandées et cela me dérange. Cela m’épuise. Je ne me sens pas bien, ou moi ça me convient pas. « 

Il est inutile d’accuser quelqu’un de malveillance ouverte. Peut-être que c’est simplement une manière de fonctionner qui ne s’ajuste pas. La personne en face de vous n’a pas forcément l’impression de vous mettre une pression particulière. C’est juste que elle fonctionne elle aussi dans un système, qu’elle reproduit avec vous.


En bref pour cette section et pour reprendre ma troisième recommandation :

Echangez avec des personnes neutres pour évaluer l’ampleur et la dynamique de la dérive.

Récapitulatif de l’épisode

Du coup, mes trois conseils si vous êtes amené à ressentir une culpabilité liée à un processus de burnout.

Mon premier conseil, c’est de se comporter avec vous-même comme vous le feriez avec un proche. Soyez patients, soyez bienveillant. Adressez vous à vous même avec douceur.

Mon deuxième conseil, c’est de faire quelque chose. Et la première chose à faire, c’est peut-être de vous mettre physiquement dans un lieu où vous vous sentez suffisamment en sécurité pour vous reposer. Cela permet de décompresser et de pouvoir réamorcer cette phase d’apprentissage, qui va vous permettre de trouver un autre équilibre.

Et mon troisième conseil: demandez du feedback aux personnes qui sont autour de vous et qui sont neutres. Cela permet de comprendre où est le biais de perception dans votre référentiel. A terme, cela permet de se repositionner face à ce qui est acceptable pour vous ou non.


Voilà, j’espère que cet épisode vous a parlé. J’espère qu’il vous a plu.
J’espère que ces conseils vous seront utiles pour trouver des ressources et désamorcer la culpabilité.

A très bientôt pour un prochain épisode.

Ambre V.