Vous avez peur de dire « non » et de dĂ©finir vos limites ? C’est une problĂ©matique frĂ©quente losque l’on est en burnout. Entre les peurs de rejet, le besoin de contrĂ´le, l’implication Ă©thique, la fatigue et le mĂ©tabolisme, il est parfois très difficile d’Ă©lever des barrièrses salvatrices. Je vous explique pourquoi dans cet Ă©pisode.

Accueil » 🎙#2 – Pourquoi c’est si difficile de dire « non »?

Podcast : pourquoi c'est si difficile de dire non?
#2

Texte de l’Ă©pisode

Je suis avec une amie en terrasse d’un cafĂ©. Je viens de lui expliquer pourquoi notre sortie du weekend allait ĂŞtre annulĂ©, Ă  cause d’un dossier urgent que je dois finir pour le travail. Elle s’agace pendant que je regarde ailleurs : « Pourquoi tu ne dis pas « non Â» ? Tu n’as qu’à refuser ! Tu n’as qu’à dire que tu n’es pas d’accord. Dis « non Â». Pose tes limites enfin ! Â»

Ces phrases, je les ai tellement entendues au cours de ma vie.

Savoir dire « non » et faire en sorte que ce mot soit entendu et respecté, c’est l’une des grandes problématiques du burnout.   

La peur de dire « non »

Quand on est en Ă©tat de stress chronique, il est terriblement difficile de dire « non Â» Ă  ce qui nous pollue. MĂŞme avec la meilleure volontĂ© du monde, cela n’arrive tout simplement pas.

Il peut être délicat de dire « non » à la visite d’un ami.

Cela peut être difficile de dire « non » à un service que l’on peut rendre.

Il peut ĂŞtre impossible de dire « non Â» Ă  un dossier supplĂ©mentaire, mĂŞme si on en a dĂ©jĂ  par-dessus la tĂŞte.

On va dire « oui Â», mĂŞme en pensant « non Â». Parce que le « oui Â» semble alors plus facile Ă  dire. Dans le meilleur des cas, on ne dira rien, ce qui est pris pour un consentement passif.

Dans mon cas, le conseil de mon amie « tu n’as qu’à refuser Â» Ă©tait insuffisant pour que ça marche. Il m’a fallu me questionner sur ce qui me convenait, et ce qui ne me convenait pas car je n’en avais pas connaissance. Après de longs mois d’introspection, j’ai pu exprimer mes limites avec des mots. Mais ces limites n’ont pas Ă©tĂ© entendues car l’attitude, l’intonation n’étaient pas suffisamment marquĂ©es. J’ai donc dĂ» travailler mon attitude. Ancrer ces limites au plus profond, pour les incarner.

Avec un peu de recul, et parce que c’est l’un de mes plus grands dĂ©fis, je me suis penchĂ©e sur diffĂ©rentes pistes de comprĂ©hension. En voici 7 que je vous partage :

Podcast : pourquoi c'est si difficile de dire non?

1. La peur du rejet 

La peur d’être rejeté par une communauté, un groupe, ou tout simplement par l’autre existe sous de nombreuses déclinaisons. En fonction des cas s’exprime la peur de blesser l’autre ou celle de se blesser soi.

La peur de blesser l’autre

La peur de blesser l’autre se manifeste par des croyances telles que : « Si je lui dis non, il va croire que je ne l’aime pas Â» « Si je refuse mon aide, il va croire que je n’en ai rien a faire de lui, que je ne peux pas le soutenir dans sa difficultĂ© »… C’est la peur de blesser qui s’exprime. En rĂ©alitĂ©, c’est souvent une peur que l’on Ă©prouve pour soi et que l’on projette sur les autres. On ne veut pas laisser croire Ă  l’autre qu’il n’est rien, car cela renvoie Ă  une blessure d’abandon ou au syndrome du sauveur.

La peur de se blesser soi

La peur de se blesser soi peut mener Ă  croire que l’on sera rejetĂ© par la personne Ă  qui on exprime notre refus. VexĂ©e, cette personne partira alors se tourner vers quelqu’un d’autre pour trouver du soutien, et nous « rayera de la liste Â», ne nous sollicitera plus.  La crainte de dĂ©cevoir l’autre, et de gĂ©nĂ©rer quelque chose d’inachevĂ©, de brisĂ© ou de fragilisé… qui peut amener au rejet et Ă  la sĂ©paration est alors insupportable. C’est la peur de se voir soi-mĂŞme abandonnĂ© qui est alors Ă  l’œuvre.

Pour la dĂ©samorcer, vous pouvez inverser la situation et vous demander : Si moi je venais avec cette demande et qu’on me refusait de l’aide. Qu’est-ce que je ferai ?

Naturellement, vous iriez vers d’autres pistes pour résoudre votre problème, sans en tenir rigueur à la personne qui n’a pas pu vous aider cette fois-ci. Cela ne génère pas pour autant un rejet froid et définitif.

La peur de ne pas ĂŞtre Ă  la hauteur (ou peur de l’échec) 

La peur de devoir dire « je ne peux pas Â», de ne pas « rĂ©ussir Â» Ă  honorer une demande vient avec la peur de l’échec.

Une fois de plus, un Ă©chec amène potentiellement du rejet, de la dĂ©ception, une blessure pour soi parce que l’on n’a pas rĂ©pondu aux attentes de ses parents, proches, collègues, amis… Il gĂ©nère aussi des angoisses autour du fait de ne pas ĂŞtre considĂ©rĂ© et reconnu comme quelqu’un de valeur. C’est une manière de perdre la face. En cela, elle est une peur dĂ©licate Ă  gĂ©rer car elle peut ĂŞtre vĂ©cue de manière très violente.

Pour la dĂ©samorcer, vous pouvez inverser la situation et vous demander : Qu’est-ce qui se passe si moi, je vais demander de l’aide Ă  quelqu’un qui est rĂ©fĂ©rent, et que cette personne rĂ©pond que ça n’est pas possible, qu’elle n’est pas disponible ou qu’elle n’a pas la rĂ©ponse ….

Qu’est-ce qui se passe en vous ?

Une fois de plus, il est très probable que vous alliez poser votre question Ă  une autre personne. Est-ce que pour autant la relation avec votre rĂ©fĂ©rent est changĂ©e ? Il y a de fortes chances pour que non.

Sur une grande partie des petits services rendus au quotidien, le malaise gĂ©nĂ©rĂ© par le fait de devoir dire « non Â» peut aisĂ©ment ĂŞtre dĂ©samorcĂ© en se mettant Ă  la place de l’autre, et en considĂ©rant de ce fait que l’enjeux Ă©motionnel imaginĂ© n’est en rĂ©alitĂ© pas si fondamental.  

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2. Peur de perdre le contrĂ´le

Le besoin de contrĂ´le amène aussi Ă  une absence de « non Â». La phrase typique qui permet de l’identifier est : « Si ça n’est pas moi qui fait, ce sera mal fait. Il faudra que je revienne dessus de toutes manières. ».

J’ai identifié cette manière de penser chez plusieurs cadres ou personnes ayant des postes à responsabilité. Par soucis d’anticipation des problématiques et de la charge de travail que cela pourrait représenter, il leur quasiment impossible de déléguer.

La crainte du manque de ressources, du manque d’énergie ou du manque de temps à venir qui génère une surcharge de travail et donc une pénurie de ressources dans l’instant présent.

Pour Ă©viter d’avoir des problèmes, ces personnes prĂ©fèrent faire les choses elles-mĂŞmes, afin de ne pas prendre le risque d’être impactĂ© par la production de quelqu’un d’autre.

Cette peur de perdre le contrôle entraine une surcharge, qui ne fera qu’augmenter si elle n’est pas identifiée. Même lorsque l’on croit rester maître de la situation, le poids des responsabilités se fait de plus ne plus pressant, et la charge peut nous faire atteindre un point de fracture. Même lorsque l’on a une grande capacité d’absorption, on a une limite. Et cette limite est atteignable.

Pour la tempĂ©rer, revenez Ă  votre essentiel. Soyez honnĂŞte sur la quantitĂ© de tâches que vous arrivez rĂ©ellement Ă  rĂ©aliser. Lorsque la charge de travail est trop importante, certains dossiers que l’on juge « importants Â» sont Ă©ternellement repoussĂ©s au lendemain et ne sont tout simplement pas traitĂ©s. Ce simple fait remet en question leur importance. Ce sont prĂ©cisĂ©ment les dossiers que vous pouvez dĂ©lĂ©guer. A dĂ©faut d’être parfaitement faits, au moins seront-ils faits.  

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3. La peur de l’exclusion sociale (ou Fear of Missing Out)

La « Fear of missing out Â» reprĂ©sente la peur de manquer quelque chose d’important d’un point de vue social. Elle survient lorsque l’on a du mal Ă  refuser de faire partie d’un projet, d’aller Ă  un 5 Ă  7, aller Ă  une soirĂ©e, Ă  un concert… C’est une peur de manque d’intĂ©gration sociale.

Cette peur nous amène Ă  privilĂ©gier du temps social plutĂ´t que du temps pour soi qui permettraient de rĂ©cupĂ©rer de l’énergie. Elle est basĂ©e sur le besoin fondamental d’appartenir Ă  un groupe, Ă  une communautĂ© qui peut ĂŞtre une familiale, amicale, ou professionnelle.

Dans le milieu professionnel, ce phĂ©nomène d’appartenance est particulièrement cultivĂ© et certaines entreprises se considèrent mĂŞme comme une « famille Â». D’une manière indirecte, des employĂ©s liĂ©s par un fort sentiment d’appartenance seront plus Ă  mĂŞme de se motiver, de partager des moments forts, et de fournir le meilleur d’eux-mĂŞmes mĂŞme en dehors des temps de travail. C’est ce que l’on appelle ĂŞtre « corporate Â».

La FOMO, c’est la peur de rater des moments importants si l’on ne rĂ©pond pas Ă  la sollicitation sociale. Ne pas participer Ă  une soirĂ©e entre amis, c’est rater des blagues, des annonces, des moments prĂ©cieux qui crĂ©ent de la complicitĂ©, de la proximitĂ© avec les autres. Si cet instant est manquĂ©, on se retrouve en dĂ©calage et en dehors de cette vie communautaire.

Dire « non Â» Ă  un Ă©vĂ©nement social serait alors perçu comme le fait de s’exclure soi-mĂŞme d’un groupe.

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4. L’engagement moral et Ă©thique

Alors que l’une des composantes principales du burnout est la perte du sens de ce que l’on fait, l’engagement sincère mais excessif sur un projet ĂŞtre un vĂ©ritable piège. Lorsque l’on juge que ce que l’on accomplit est capital pour les autres, pour le monde, ou pour soi, il devient alors impensable de « s’économiser Â». Et plus on y met du cĹ“ur, des moyens matĂ©riels (argent), du temps ; plus il est difficile de revenir sur son engagement. Car il est toujours possible de donner plus, mais il n’est pas concevable de donner moins.

C’est une problématique que j’ai pu rencontrer chez les entrepreneurs, les passionnés et les accompagnants.

Prenons ce dernier cas. L’engagement moral d’être disponible pour un proche, un compagnon, ou un parent malade peut s’avĂ©rer ĂŞtre une catastrophe. Pourquoi ? parce que pour l’accompagnant, il est impensable de laisser une personne aimĂ©e dans la difficultĂ© ou dans la souffrance physique ou morale. C’est une valeur qui peut ĂŞtre très ancrĂ©e, très profonde. C’est une valeur louable, mais qui se fait au dĂ©triment de l’accompagnant.

Un exemple pour temporiser son engagement moral et ne plus avoir peur de dire « non »

Comment mieux temporiser son engagement moral ? Il peut ĂŞtre utile de laisser grandir l’idĂ©e qui est que l’on n’aide personne lorsque l’on est soi-mĂŞme Ă©puisĂ©. Si accompagner une personne souffrante est d’une grande importance pour soi, il est possible d’utiliser cet engagement dans ce sens : prendre soin des autres, c’est aussi ne pas prendre le risque de les mettre en danger par nos actes. Si on n’a pas la capacitĂ© de rĂ©aliser la tâche Ă  effectuer, il vaut mieux la laisser faire par quelqu’un d’autre, ou ne pas la faire du tout, plutĂ´t de de causer des dommages.

Quelle soit le sujet sur lequel porte l’engagement, il est important de réaliser que l’on n’est pas seul à soutenir la totalité d’une équipe, ou d’une patientèle, ou d’un projet. D’autres personnes peuvent prendre le relais.

Temporiser son engagement offre la garantie d’apporter le meilleur de soi-même à la cause poursuivie.

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5. Une quĂŞte pour plus d’informations sensorielles

Voici peut-être l’une des plus magnifiques dissonances cognitives dont nous pouvons faire preuve.

La manière dont notre corps vit impacte la manière dont notre esprit conçoit les choses. Lorsque nous traversons une situation difficile, cela ne se passe pas uniquement dans notre tête, mais bien aussi dans notre corps. Et celui-ci est régit par des réflexes archaïques instinctifs de réponse au stress.

Lorsque l’on est en stress, tous les filtres sensoriels sont abaissĂ©s afin de collecter un maximum d’informations sur la problĂ©matique rencontrĂ©e. Cela fait partie de notre mĂ©canisme de protection. Un problème rĂ©solu n’est plus un problème. Le corps mobilise donc ses ressources pour trouver une solution. D’un point de vue mĂ©tabolique, le corps baisse les barrières entre lui et son environnement.

Lorsque l’on essaie de dire « non Â» en pĂ©riode de stress, on met une barrière entre soi et l’environnement. On s’oppose donc Ă  la collecte potentielle d’informations. C’est un conflit direct avec l’action du corps.

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6. La pulsion du mouvement de fuite

Un autre phĂ©nomène instinctif entre aussi en jeux : la pulsion de mouvement. Face Ă  un problème dangereux, un corps non bloquĂ© rĂ©agira selon deux types de mouvements diffĂ©rents : de combat ou de fuite. Le fait d’accepter des dossiers, des sorties, des soirĂ©es … tout ce qui peut occuper l’esprit, reprĂ©sente une forme de mise en mouvement. C’est une manière de se prĂ©server ce qui peut poser problème, une fuite ou un combat dans l’action.

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7. L’épuisement 

Enfin vient l’épuisement. Parce que oui, poser une barrière peut être épuisant. Prendre des risques de rejet dans un moment où l’on a besoin de soutient parce que l’épuisement est là, c’est difficile, voire impossible. Faire face à ses peurs dans un moment d’épuisement, ça n’est pas toujours envisageable. Lutter contre son propre mécanisme instinctif demande une très grande maîtrise de soi.

Lorsque l’on est épuisé, il est souvent plus facile de se laisser déborder. Parce que c’est une manière de fuir un conflit potentiel. C’est l’évitement d’une problématique immédiate. C’est l’assurance de ne pas être laissé seul.e face à une problématique douloureuse.

Si vous sentez que vous ĂŞtes Ă©puisĂ© : Prenez le temps le temps de vous demander : qu’est-ce qui me dĂ©range ? Est-ce que j’aurai pu Ă©viter certaines situations ? Qu’est-ce qui est une vĂ©ritable urgence ?

Quelles sont mes priorités à moi. Pas celles que l’on m’impose, mais celles que je souhaite avoir.